Nature, berce-la doucement...[Suellen]

Rasp marchait. Son éternel casque sur les oreilles, son mp3 croulant sous les autocollants à la main, elle marchait. Un pied devant l'autre, pas après pas, elle avançait sans but. Au contact de ces plantes à l'ombre inquiétante, aux formes étranges, à la vue de ces vivaces aux lianes entremêlées de savantes manière comme savait si bien le faire dame Nature, Rasp avait toujours le même ressentiment. Elle n'avait rien à craindre, elle était comme chez elle, mais en même temps si peu à sa place. Le couleurs qui l'entouraient étaient sombres, elle cherchait l'ombre de ce début de soirée. Le soleil était bas et ses rayons se faisaient agressifs, tranchants pour les yeux clairs et la peau fragile de la demoiselle. Elle se sentait dépourvue de toute énergie, comme si les rameaux qui lui tendait la main aspiraient au passage sa vitalité, comme si le liquide qui lui fournissait son énergie pourtant si exhaustive s'échapait à chaque contact de ses converses avec le sol... mais elle continua de marcher.

Le parc du Manoir entourait la demeure. Celui-ci était d'une taille impressionnante, comme à peu près tout dans le coin, il avait été vu en grand. Malheureusement, on l'avait un peu laissé à l'abandon après la première fermeture du Manoir... mais à l'occasion de la réouverture, il avait eut droit à un coup de neuf. Cela avait d'ailleurs tiré une grimace aux cousins en l'apprenant, car ils avaient construit bon nombre de cabanes et autres constructions plus ou moins réussies... Enfin bref, ce n'était plus la peine d'en parler à présent car tout avait été coupé sans le moindre état d'âme! C'était bien évidemment plus joli, plus propre, beaucoup moins sauvage, plus lumineux aussi... Mais tellement moins naturel...

Il fallait croire que la petite se sentait très fleur bleue aujourd'hui. Pourquoi? Surement car elle sentait le changement qu'apportait la réouverture du Manoir. elle allait faire de nouvelles rencontres, peut-être avoir enfin une vie sociale normale? En tout cas c'est tout ce à quoi elle aspirait... Mais pas pour le moment! Elle avait besoin de son petit instant de nostalgie...

Un lacet rouge et noir s'accrocha à une épine et la jeune fille manqua de s'étaler par terre. Elle se baissa et se dégagea. Rasp remarqua alors un éclat près d'un buisson et s'approcha pour trouver une pièce à l'allure étrange. Elle était tordue et percée au milieu et il était impossible de déterminer une quelconque gravure tant le métal était usé et poli. La jeune fille mit le petit objet dans sa poche et sentit le contact du métal frois avec sa jambe. Elle avait encore trouvé de quoi se fabriquer un collier ou un bracelet...

Elle reprit son errance à travers les chemins trop bien tracés du parc, se gardant toujours de trop s'exposer au soleil. Les couleurs vives de certaines fleurs ressortaient sous certains rais lumineux et tranchaient sur la masse sombre des haies et des arbustes secoués doucement par une faible brise. Il ne faisait pas très chaud, mais Rasp ressentait peu la température, et ce d'une manière générale. La chaleur et le froid ne l'atteignaient pas, mais marquaient fortement sa peau diaphane.

Finalement, la demoiselle arriva devant un grand arbre dont les racines noueuses dépassaient un peu du sol. Il y avait autour de lui plusieurs arbres nus que Rasp savait être des cerisiers. Les voir ainsi lui rappelaient ses floraisons passées où le sol était recouvert d'un épais tapis de pétales roses et elle croyait sentir à nouveau le doux parfum qui flottait dans l'air à cette occasion. La jeune fille s'approcha alors une racine particulièrement épaisse qui dépassait du sol d'au moins un mètre et marcha sur le long du bois pour aller s'installer dessus. Elle ne portait pas l'uniforme mais était en jupe, ce qui se trouvait être finalement peu pratique. Une fois allongée sur le ventre et confortablement calée, le menton appuyé sur ses deux mains croisées devant elle, Rasp se laissa bercer par la musique et ferma les yeux. La douce mélodie qui résonnait à ses oreilles avaient un effet calmant après le court effort qu'elle venait de faire et qui avait un peu accéléré son rythme cardiaque et elle avait l'impression que la musique avait acquis une sorte de résonance en elle. Elle se sentait portée par les rythmes et elle se mit à fredonner doucement sans vraiment s'en rendre compte. Elle se sentait sereine et calme.

» Suellen Adams.