Et ça traîne encore...[Libre pour pv]

Black venait de terminer un dessin crayonné à la va-vite mais n'avait pas envie d'y ajouter de couleurs. Il le regarda un instant et eut l'impression que la demoiselle lui avait fait un clin d'oeil. Il secoua la tête pour se réveiller un peu. Il faisait sombre dans la pièce, comment avait-il put dessiner comme ça? Le jeune homme se leva puis alla ouvrir les volets pour laisser un peu entrer la lumière mais il les referma aussitôt en grimaçant. Il avait horreur du soleil lorsque celui-ci était aussi fort. Après avoir vivement refermé la fenêtre, l'adolescent prit son mp3 et son portable ainsi que son blouson fétiche, il sortit ensuite en claquant la porte. Il traversa le couloir d'un pas lent mais dévala les escaliers en sautant les six dernières marches.

Une fois dehors, le jeune homme se retrouva à nouveau exposé aux rayons détestables de ce maudit astre qu'était le soleil et se hâta de traverser le parc puis de franchir les grilles du portail pour aller s'abriter à l'ombre des arbres de la forêt. Sa main s'était un peu emmêlée dans une tige de lierre et il se taillada la peau en l'enlevant. Il fit la moue. Encore une cicatrice! Sa peau d'une pâleur maladive marquait beaucoup et traduisait aisément l'horreur de l'entité opposée de la lune qu'il cultivait jour après jour.

L'adolescent jeta un coup d'œil autour de lui, à la recherche d'un quelconque personne un peu perdue, un futur élève peut-être? Sans résultat. Il n'y avait pas beaucoup de monde ces temps-ci...
Black continua sa route et s'enfonça à travers la forêt en direction des ruines. Il avait entendu parler de nouveaux venus mais n'avait pas encore eut l'occasion de les rencontrer et ne s'attendait à voir personne en dehors de son cousin ou d'une de ses cousines à l'extérieur du domaine Berry. Il était tellement facile de se perdre sur cet immense territoire... Mais Black s'était déjà tellement aventuré parmi ces grands arbres qu'il connaissait le coin aussi bien que la paume de sa main. Cela faisait quelques années qu'il habitait ici, et il avait largement eut le temps de découvrir la carte avec ses cousins.

Chacun de ses pas faisait craquer les feuilles mortes dans un délicieux bruit et ses pieds s'enfonçaient mollement dans la couche d'humus comme s'il marchait sur un nuage. Le vent secouait les arbres dans une mélodie d'automne et jouait aaec des longs cheveux noirs de l'adolescent. Soudain, un bruit retentit à sa droite et le jeune homme se retourna vivement. Il arrêta de bouger pour essayer d'identifier la source du bruit.

Les yeux du jeune homme se posèrent sur une jeune fille assise sur le tapis doré que formaient les feuilles mortes. C'est non sans surprise qu'il fut bien obligé de constater la présence humaine de quelqu'un d'autre que ses cousin et cousines à l'extérieur du Manoir. Etait-elle inconsciente ou avait-elle réussit à se repérer dans cette forêt immense? Bien qu'ils ne soient pas à une très grande distance du Manoir, il était d'une facilité déconcertante de perdre ses repères en un très court laps de temps, surtout pour quelqu'un qui n'était pas habitué à l'endroit...

Mais après tout, il n'était même pas sûr que ce soit une pensionnaire... Mais il fallait dire que les touristes se faisaient plus que rares dans le coin, alors peut-être une adolescente du village voisin? Peu importait vraiment.

Black fit un pas en sa direction et la regarda se lever. D'un geste maladroit elle fit tomber son nécessaire à dessin sur le sol et poussa un juron. L'adolescent ne retint pas le petit sourire qui s'installa sur ses lèvres mais s'approcha pour l'aider à chercher le morceau de fusain parmi les feuilles mortes. Pendant qu'ils cherchaient, une question franchit les lèvres du jeune homme. Oubliant toute politesse, il se vit ravi de rencontrer quelqu'un pour parler dessin.

"Tu dessines depuis longtemps?"

Soudain ses doigts rencontrèrent sous une feuille quelque chose de petit et dur. Son sourire s'élargit et il se redressa pour tendre l'objet à sa propriétaire. Il en profita pour observer la jeune fille. Elle avait la peau claire, presque blanche, comme lui et comme ses cousins. Ses cheveux étaient d'un noir de jais contrastant fortement avec sa peau peu pigmentée, ce qui lui rappelait son propre cas et il étaient d'un longueur assez impressionnante. C'est avec des mains au doigts fins qu'elle récupéra le morceau de fusain. Il posa son regard sur son visage aux traits fins pour apercevoir de grands yeux gris presque transparents. Il se présenta enfin.

"Je suis Black Berry. Je suis pensionnaire au Manoir... Oui je sais, mes parents devaient avoir de l'humour." soupira-t-il sans se détacher de son expression amusée.

Il ne posa pas de question sur la raison de la présence de la demoiselle ici. Après tout, si elle était perdue elle saurait le lui dire, non? Bien que son rôle soit d'aider les nouveaux et de les accueillir, une certaine flemme et un égo un peu trop développés faisaient parfois qu'il omettait certaines politesses élémentaires...

Un coup de vent balaya soudain les deux adolescents. Black tendit par réflexe le bras vers les morceaux de feuilles qui dépassaient du carton à dessins de la jeune fille mais celle-ci les tenait fermement, si bien que son geste devint inutile et presque ridicule. Il se contenta alors d'observer le vent jouer avec leurs longues mèches noires, écoutant la triste mélodie que jouait ce vent dans les arbres et sifflant à leurs oreilles.

Suellen se maudit pour sa maladresse. Le sourire qu'avait eu le jeune homme avait un accent narquois, un peu moqueur. Mais elle voyait bien qu'il n'essayait pas d'être méchant. Enfin, il lui avait redonné son vieux bout du fusain. Elle eut envie de rire. Il était si usé qu'elle ne pourrait plus rien en tirer. Mais elle le mit tout de même dans sa poche, sans penser une seule seconde qu'il pourrait salir ses vêtements. Mais à vrai dire, elle s'en fichait un peu.
Su remit fébrilement ses dessins en place, avant qu'ils ne s'envolent, et serra la pochette contre elle. Elle n'était pas particulièrement fière de ce qu'elle avait fait, mais elle n'aurait pas aimé les perdre. Il fallait avouer qu'elle aurait détesté qu'il les voie. Elle s'était sentie soulagée de constater qu'il ne s'était pas attardé dessus, mais qu'il l'avait plutôt aidée à chercher le petit bout noir de fusain.

Elle restait silencieuse, debout, un peu gênée, puis elle se souvint qu'il lui avait posé une question.
- Oui, assez.
C'était une réponse courte, synthétique, mais elle ne put faire mieux. Que pouvait-elle répondre de plus?... Elle inclina alors la tête tout en regardant l'adolescent, et lâcha un de ses sourires qui ne disaient rien de particulier. Celui-ci servait juste à accompagner ces quelques paroles :
- Oh. Suellen. Enchantée.
Puis elle baissa les yeux. Elle avait un peu de mal pour engager une conversation. Elle ajouta :
- Je suis au manoir depuis hier...

Su se sentit soudain très mal à l'aise, et elle ne voulait pas que cela se voie. Elle aurait voulu pouvoir s'en aller, mais cet adolescent, qui disait s'appeller Black, s'était montré plutôt gentil, et elle ne pouvait pas fuir comme cela. Et puis elle avait légèrement besoin de lui si elle voulait revenir au manoir sans se perdre plus.
Elle n'aurait pas su expliquer pourquoi elle avait ce sentiment de malaise. Il n'y avait pourtant aucune raison. Mais le jeune homme l'avait observée, et elle n'aimait pas ça. Un long silence quelque peu dérangeant s'installa. A vrai dire, il ne la dérangeait pas tant que ça, mais Su ne savait pas si ce Black était de nature joviale ou plutôt solitaire, et elle ne savait pas si elle devait se forcer à parler, ou si elle pouvait laisser ce silence s'éterniser.

Le vent faisait bruisser les feuilles et voler leurs cheveux. Su voulait garder les yeux rivés au sol, mais elle sentait le regard de l'adolescent sur elle, et cela la perturbait. Alors elle leva la tête et le fixa effrontément de ses grands yeux, comme elle l'avait l'habitude de le faire, de cette façon dérangeante.
Black ne sembla pas désarçonné, mais il ne soutint pas son regard jusqu'au bout. Après quelques secondes, il bougea légèrement les yeux pour fixer un point ailleurs. Su continua pourtant de le regarder, et elle ne se gêna pas pour le dévisager. Elle aimait bien sentir qu'elle faisait plier les autres, elle ne savait pas d'où ça venait. Peut-être de son enfance soumise...

Il avait une peau claire. Il ne devait pas beaucoup supporter le soleil, à en juger par la façon qu'il avait de rester dans le petit coin d'ombre. Et puis il avait des cheveux longs, pour un homme. Très noirs.
Suellen soupira, puis demanda :
- Est-ce que tu peux m'aider à retrouver mon chemin, s'il te plait?
Elle sourit en pensant à sa politesse, mais après tout, elle avait toujours été comme ça. Elle ne savait pas être familière dès le premier contact, alors elle se montrait froide et polie. De toutes façons, elle avait du mal à nouer des liens avec les gens. Mais ce garçon était de toute façon la seule personne qu'elle rencontrait aujourd'hui.

Suellen, qui se sentait plutôt tranquille, à marcher ainsi à côté de lui, sursauta légèrement lorsqu'il parla. Elle se surprit à apprécier le timbre de sa voix. Elle était mélomane, alors elle reconnaissait sans peine lorsque quelqu'un avait une jolie voix. Elle détourna les yeux du paysage et jeta un regard vers lui. Elle ne répondit pas tout de suite, mais réflechit à ce qu'elle allait lui dire. Finalement, elle lâcha :

- Tu es la première personne que je rencontre depuis hier, à part celle qui m'a amenée à ma chambre.

Su regardait tout autour d'elle. Le chemin qu'ils prenaient pour repartir vers le Manoir n'était pas celui qu'elle avait pris à l'aller. Elle essayait de repérer des signes particuliers qui lui auraient permis de retourner plus tard dans cette forêt, seule, sans craindre de se perdre.
Le silence entre les deux adolescents retombait peu à peu. Su se demanda de nouveau si Black était silencieux ou pas, mais à voir ses efforts pour engager une conversation, elle en déduit qu'il ne l'était pas réellement. Elle se dit alors qu'elle devrait faire un effort, mais elle n'était vraiment pas habituée. Mais il dut sentir qu'elle n'avait pas plus que ça envie de discuter avec lui, c'est pourquoi il se tut.

C'était l'après-midi. Le soleil tapait fort, mais les arbres étaient si denses qu'il n'y avait que peu de rayons qui les traversaient. Le vent soufflait un peu plus fort que précédemment, et faisait voler leurs cheveux. Su sentait l'odeur de la terre avant la pluie. Elle pouvait affirmer sans se tromper qu'avant le soir, les averses tomberaient. Elle adorait sentir les pierres et la terre mouillées. D'ailleurs, même s'il faisait chaud et que le soleil brillait intensément, on pouvait constater qu'il y avait quelques amoncellements de nuages, au loin. Oui, la pluie allait arriver.

Alors qu'ils marchaient sans se parler, Su remarqua sur le bord du chemin une petite fleur. Elle se pencha et la ramassa, puis, ne sachant où la mettre, elle l'installa sur son oreille. La fleur pointait ses pétales rouges hors de la chevelure noire et contrastait avec la couleur sombre. Suellen remarqua que Black avait légèrement tourné le regard vers elle lorsqu'elle s'était arrêtée mais elle n'y prit pas garde ; après tout même si son geste était puéril et enfantin, n'avait-elle pas le droit de trouver qu'une fleur était ravissante?

Le temps s'écoulait au compte-goutte, et la jeune fille avait l'impression qu'il passait lentement, qu'il lui permettait de savourer cette lente marche à travers la forêt jusqu'au retour au Manoir, de savourer ces instants précieux. Elle sourit. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas marché ainsi avec quelqu'un à côté d'elle. Elle appréciait le fait que le jeune homme lui pose quelques questions de temps à autres, n'insiste pas, puis retente une amorce de conversation par des phrases lâchées au gré du vent...

Un petit crépitement se fit entendre au dessus de leur tête, et ils levèrent instinctivement le visage vers la cime des arbres. Le ciel s'était obscurci, et apparemment, le bruit était dû aux gouttes qui s'écrasaient sur les feuilles. Les arbres étaient si touffus qu'il n'y avaient que quelques gouttes qui s'y frayaient un chemin pour venir chuter sur le sol terreux qui était désormais criblés de mini cratères. Suellen sourit. Elle adorait la pluie.

La jeune fille se sentit soudain de bonne humeur, et s'étonna elle-même. Combien de temps cela faisait-il qu'elle ne s'était pas sentie aussi détendue? Elle avait bien été mal à l'aise tout à l'heure, mais finalement la compagnie du jeune homme n'était ni dérangeante ni désagréable. Mais elle se demanda si lui s'ennuyait. Elle ne chercha pas la réponse, car elle craignait que ce fut effectivement le cas. Mais même cette constatation ne put freiner la bonne humeur qui la gagnait, et elle se mit même à fredonner la chanson nostalgique qu'elle chantait tout à l'heure. Sa voix s'entendait à peine à travers les crépitements de la pluie sur les feuilles, et elle préférait cela. Elle espérait un peu que Black ne l'entendrait pas, mais enfin elle ne pouvait s'empêcher d'arrêter de chantonner. Elle aimait ça, tout comme la musique.

D'ailleurs, ses doigts s'agitèrent légèrement dans le vide. Un peu comme si penser à la musique les avait mis en marche. Et soudain Su s'apperçut que son vieux piano craquant mais parfaitement accordé, aux touches jaunies, aux pédales dures, lui manquait. Elle ressentait cruellement ce manque. Elle avait également envie de jouer de la guitare, de composer et de chanter, tout cet univers musical lui manquait atrocement. Alors elle brisa d'elle-même le silence contrairement aux fois précédentes, et demanda naturellement au jeune homme qui l'accompagnait :
- Est-ce qu'il y a un piano au Manoir Berry?
La supplication muette était contenue dans la précipitation avec laquelle elle lui avait posé la question. Elle croisa ses longs doigts et pria mentalement pour qu'il lui réponde "Oui" et l'y emmène.

Black resta pensif à la réponse de la demoiselle. Ainsi, à part le premier accueil, la pension ne faisait pas vraiment en sorte que les étudiants puissent faire connaissance, et ce n'était vraiment une bonne chose, d'autant plus en prenant en compte la taille du Manoir et de ses alentours... Difficile d'avoir une vie sociale dès son arrivée ici. Et puis il allait falloir faire quelque chose pour que les nouveaux élèves n'aillent pas se perdre dans la forêt ou sortent trop loin en dehors du domaine. Des disparitions avaient déjà eut lieu il y avait des années de cela, des accidents également, et ils avaient déjà suffisamment de mal à faire venir des élèves, pas besoin d'une catastrophe en plus... D'ailleurs, la présence de la demoiselle ici ne faisait que renforcer ses craintes, mais il se voyait mal lui faire la morale, après tout ce n'était pas réellement son problème. Bien sûr cela aurait un jour un impact sur sa vie si un élève disparaissait, mais à quoi bon sembêter. Sa vie n'était en danger et il pourrait vivre de la même manière qu'il avait toujours vécu jusque là.

Son regard s'attarda sur Suellen qui observait avec intérêt chaque arbre, posant sa main sur un tronc en passant, cherchant quelques particularités du coin de l'oeil, tentant de se repérer... Malheureusement pour elle, tout ici était semblable. Les paysages se ressemblaient et on pouvait voir des arbres et des arbres à perte de vue. Black avait lui même du mal à se repérer de manière fréquente alors pour quelqu'un de non-habitué... Bien sûr, la demoiselle devait avoir l'oeil si elle était douée en dessin, ce qui était déjà un avantage considérable, mais la taille de ce domaine s'étalait sur des dizaines d'hectares, alors pour vraiment s'y retrouver, il allait falloir plus que ça...

La jeune fille s'arrêta soudain. Black ne vit l'objet de son attention seulement lorsqu'elle se redressa pour placer une fleur à la couleur vive dans ses cheveux. Le jeune homme n'y fit pas attention. Peace and love, communiquons avec la nature, tout ça... ce n'était pas vraiment au centre de ses préoccupations. Par contre, il laissait les autres faire comme bon leur semblait, du moment que ça ne le dérangeait pas.

Soudain, Back fut tiré de ses pensée par une sensation de froid d'une vivacité étrange. Une deuxième la suivit puis une troisième se fit rapidement sentir. Quelques gouttes de pluie avaient réussit à se frayer un chemin parmi le feuillage dense de la forêt pour aller mollement s'écraser sur la paume de sa main ou son visage découvert. L'adolescent leva un sourcil étonné mais se détourna bien vite de la météo, il se fichait du temps. Qu'il vente ou qu'il pleuve lui importait peu. La seule chose qui le faisait réagir était le soleil qu'il fuyait ardemment et la neige qu'il adorait. Malheureusement, il était loin de faire assez froid pour que la neige fasse son apparition, bien que la température ne soit pas excessivement élevée pour un jour d'automne.

Suellen semblait bien réagir à la présence de la pluie. Un sourire nostalgique s'était dessiné sur son visage et Black l'entendit commencer à fredonner une mélodie qui lui était inconnue, mais agréable à entendre. Il croisa son regard un instant mais se détourna pour lever les yeux vers le feuillage grisé qui les dominait. A l'oreille, il était facile de deviner que c'était une petite pluie, mais Black savait que s'ils n'étaient pas rentrés dans moins de trois minutes ils seraient sous des trombes d'eau, ce qui pouvait être dangereux, d'autant plus que la visibilité était de plus en plus mauvaise. Le jeune homme savaient où ils étaient et pourrait retrouver le chemin même dans une nuit noire, mais il ne pouvait pas prédire les embuches qui pourraient se dresser devant eux, que ce soit un animal ou un simple problème de relief causé par une cavité invisible.

Loin de se douter de ce genre de dangers, la jeune fille continuait de chanter doucement. Elle lui posa même une autre question, à savoir, s'il y avait un piano au Manoir... Alors comme ça elle était dans la branche artistique du dessin et de la musique... Amusant. Black ne put retenir un léger sourire. Il hocha la tête en signe de confirmation et put observer la joie maitrisée de Suellen.

L'eau commençait à tomber de plus en plus fort. A certains endroits, on pouvait observer de petites cascades formées par le structure des arbres. Cela créait de petits cratères et la boue giclait furieusement du sol. Black accéléra le pas et attrapa la jeune fille par la manche pour qu'elle le suive un peu plus vite. L'obscurité se faisait un peu plus dense chaque seconde. Ils n'étaient plus très loin du portail à présent, et l'on pouvait voir la clarté qui provenait de la sortie de la forêt ressortir devant eux. Black relâcha Suellen et continua de marcher à vive allure jusqu'à arriver devant le portail. Il tira alors de toutes ses forces sur la poignée et fit grincer la lourde structure métallique qui s'ouvrit. Ses vêtements étaient collés à sa peau avec l'eau. Il avait reprit une allure normale en sortant de sous les arbres mais la pluie se faisait plus sentir.

Les deux adolescents traversèrent le parc pour enfin arriver devant la grande porte d'entrée. Black s'essuya rapidement les chaussures sur les marches qui précédaient l'entrée puis s'engouffra dans la bâtisse. Une fois à l'intérieur, il retira son blouson puis son tee-shirt qu'il essora sur le palier, puis il entraina la jeune fille avec lui jusqu'aux dortoirs.

"Je te propose d'aller te changer ou prendre une douche, je te montrerais le piano après, ok? Est-ce que tu as un portable? C'est plus pratique pour se retrouver ici..."

Envoyant son air surpris, Black ajouta :

"Oui oui, ça capte. Je sais que c'est un peu excentré mais on a du réseau."

Le jeune homme pensait toujours de manière pratique et se souciait peu du reste. Penser que la jeune fille puisse être gênée de ne pas avoir de portable, ou qu'elle soit timide ou dérangée par sa façon de faire ne lui traversait même pas l'esprit. Black allait partir vers sa chambre mais se retourna vivement.

"Au fait, est-ce qu'un café ou une chocolat chaud te donnes envie? Je vais aller en chercher un alors..."

Suellen sursauta lorsque le jeune homme lui prit la manche pour qu'elle presse le pas, mais se laissa faire ; de toutes manières elle n'avait pas le choix. Elle aimait la pluie, mais elle ne connaissait pas le chemin pour retourner au manoir, et elle ne voulait pas non plus y arriver plusieurs heures plus tard, et trempée de surcroit.

Le portail était visible, au loin, à travers les feuillages, et Black la relâcha, marchant toujours rapidement, si bien que Su était presque obligée de courir pour rester à sa hauteur. Ils traversèrent le parc à découvert, et elle sentait ses cheveux plaqués sur son visage, ses vêtements détrempés, mais ne s'en souciait guère. Cela ne la dérangeait pas.

Ils pénétrèrent enfin dans le hall d'entrée, où Black retira veste et tee-shirt, afin de les débarrasser de l'eau qu'ils avaient absorbés. Suellen le regarda faire sans broncher, impatiente à l'idée de jouer du piano, et au fur et à mesure qu'ils s'étaient approchés du Manoir, elle n'avait plus eu que cette idée en tête, oubliant la pluie et le froid qui, au demeurant, ne la dérangeaient jamais.

Black, sans parler davantage, la conduisit aux dortoirs, et elle s'aperçut avec étonnement qu'elle aurait également été incapable de s'y rendre seule. Cela l'exaspérait de se rendre compte qu'elle avait désormais besoin d'un chaperon pour chacun de ses déplacements, sans quoi elle se perdrait dans l'immense propriété.

Elle fut surprise d'entendre le jeune homme prendre la parole, pour lui proposer de se changer ou de prendre une douche. Elle acquiesça d'un hochement de tête, tandis qu'il continuait à lui parler.
- Est-ce que tu as un portable ? C'est plus pratique pour se retrouver ici...
Son étonnement n'échappa pas au garçon, qui précisa qu'il y avait du réseau.
Suellen allait répondre, lorsqu'il enchaîna, demandant si elle voulait une boisson chaude.
Elle sourit vaguement, pensant que c'était la première fois qu'il parlait autant depuis qu'ils se trouvaient ensemble et répondit à toutes ses questions.
- C'est très gentil, je vais passer dans ma chambre pour enfiler autre chose ; je goutte partout sur le sol... Par contre, ajouta-t-elle avec un sourire gêné, je n'ai pas de portable. Peux-tu m'attendre ici dans vingt minutes ? Merci pour la boisson, mais je ne veux rien.

Black hocha la tête, et disparut à l'autre bout du couloir.

Une fois seule, Suellen se demanda de nouveau si elle le gênait. Après tout, elle l'avait accaparé depuis quelques heures, et il devait encore lui montrer le piano...

A cette pensée, son visage s'illumina, et elle se remit à chanter, en cherchant des vêtements, en allumant l'eau chaude, en se rhabillant, en séchant ses cheveux, puis en attendant que les vingt minutes se soient écoulées. Elle était impatiente et sautillait presque sur place, certes, mais elle n'avait pas envie qu'il la voie survoltée comme elle l'était.

Le temps semblait passer exagérément lentement, et elle commençait à en avoir assez d'attendre lorsqu'elle se rendit compte en regardant sa montre qu'il devait sans doute déjà être là, et elle se maudit pour son probable retard. Elle bondit de son lit, et courut vers la porte de la chambre, qu'elle ouvrit à la volée. Jetant un coup d'œil dans le couloir, elle l'aperçut, et sortit précipitamment.

Il releva la tête lorsqu'il la vit arriver, et ôta les écouteurs de ses oreilles. Suellen sentit la joie la gagner. Ainsi, lui aussi aimait la musique ? Alors qu'il l'emmenait dans des couloirs qu'elle n'essayait même plus de mémoriser tant ils se ressemblaient tous, il lui semblait qu'elle flottait dans les airs, et elle suivait machinalement le jeune homme.

Ils arrivèrent devant une porte, que Black poussa simplement. Puis il s'effaça pour laisser passer Suellen.
Lorsqu'elle pénétra dans la pièce claire et ensoleillée, le rire qui sommeillait dans sa poitrine depuis quelques minutes franchit ses lèvres. La pluie crépitait contre les carreaux, et le piano noir luisait au centre de la pièce.

- Je peux vraiment jouer ? demanda-t-elle en se tournant vers Black, qui la regardait un sourire amusé aux lèvres.
Elle se demanda s'il se moquait encore d'elle. Mais que ce soit le cas ou pas, rien n'aurait pu entamer la bonne humeur qu'elle ressentait dans chacun de ses membres. Et le bout de ses doigts la picotait. Elle dévisageait Black, comme elle en avait l'habitude, sans ciller, de cette manière dérangeante qui lui était propre. Elle attendait sa réponse, mais elle n'osait pas le presser davantage. Il avait été suffisamment aimable jusqu'à présent.